L’aide sociale et les préjugés, visiblement, ça vient ensemble. On le sait ou on s’en doute, mais ça ne te frappe jamais autant que quand la vie t’amène à ce qu’on appelle l’aide de dernier recours. Parmi ces préjugés, il y a l’idée que les personnes assistées sociales sont lâches et ne veulent pas travailler. Qu’elles sont des « Bougons » qui profitent du système. C’est probablement à cause de ces préjugés et cette ignorance que les lois et façons de faire de l’aide sociale sont si restrictives, punitives, voire carrément violentes. On te traite et te scrute comme un-e criminel-le, on se sert de la peur, des menaces, on entre dans ta vie privée, et ce parce qu’on se base sur des idées préconçues, des préjugés. 

Quand je suis arrivée à l’aide sociale, en dépression et en choc post-traumatique, on ne m’a pas dit « On va essayer de vous aider ». On m’a dit,  sur un ton méprisant, « Te rends-tu compte qu’on va faire de toi une pauvre? C’est ça que tu veux? » Je me suis sentie coupable de demander de l’aide, et jugée de ne plus être en mesure de travailler. L’aide sociale, je l’ai appris par la suite, malgré son nom, ce n’est pas toujours de l’aide, mais c’est souvent une machine à fabriquer des pauvres, à briser l’estime, à faire vivre dans la honte. C’est un droit mais qu’on te présente pratiquement comme un privilège, une faveur qu’on te fera peut-être… si tu le mérites. 

Tout récemment j’ai appris que c’était le ministère du travail qui s’occupait de l’aide sociale, mais qu’avant c’était celui de la santé. Peut-être que si c’était encore ce dernier qui s’en occupait, mon expérience à l’aide sociale n’aurait pas amplifié mes problèmes de santé mentale. Peut-être que l’être humain passerait avant la grosse machine de l’économie, et qu’ainsi la population bénéficierait mieux, au final, aux autres aspects de la société. Peut-être que l’aide sociale, ça serait vraiment de l’aide. Hey, ça serait don bien révolutionnaire ça! 

Par ailleurs, je trouve hyper violent de donner un montant qui ne comble pas les besoins de base, un montant bien en-dessous du seuil de pauvreté, et par-dessus ça, de couper celles et ceux qui se font aider par leur famille, vivent en couple ou travaillent plus que les 100 ou 200$ « permis ». C’est littéralement participer à créer de la misère. C’est aussi partir du préjugé que si on te donne moins que ce que tu as besoin, ça va te forcer à travailler pour t’en sortir. Pour faire une comparaison, jamais on ne donnerait moins de chimio, moins d’antidépresseur, moins d’anticoagulant à une personne qui en a besoin, sous prétexte que ça va la pousser à aller chercher en elle les ressources pour s’en sortir. Mais couper quelqu’un qui n’arrive pas, ça, aucun problème. Ben quoi, c’est juste des BS!

Le ministère de l’aide sociale et ses lois sont bourrés d’idées préconçues sur les personnes assistées sociales, et ces idées sont propagées dans la société. Les initiales BS (originellement Bien-Être Social, quelle blague!), sont devenues synonymes de lâcheté et de sous-classe soit invisible, soit de moutons noirs. Une classe tellement méprisée que même en temps de pandémie mondiale on va aider les individus et les compagnies, mais pas les personnes les plus pauvres, celles qui avant la crise n’arrivaient pas à joindre les deux bouts. Pour moi, ça, c’est criminel. Les préjugés, ça brise les vies.

Peut-être  que c’est plus facile de traiter quelqu’un de BS et de rester dans ses idées préconçues que de prendre le temps de se questionner sur l’état actuel de la société, sur les façons de faire du ministère avec les personnes assistées sociales, sur le fossé toujours grandissant entre les classes, ou encore sur les difficultés du monde du travail pour certaines personnes qui, pour différentes raisons, n’arrivent pas à s’y intégrer. Plus facile que de s’ouvrir les yeux sur l’apport important mais non rémunéré que de nombreuses personnes assistées sociale apportent à la société (bénévoles, parents, aidants naturels, soutien, etc). Plus facile que de se questionner sur ses propres privilèges et ses propres biais qui entretiennent les préjugés. Mais come on… On est allés sur la lune, et on va aller sur mars. C’est pas utopique que d’imaginer une société plus inclusive, me semble!


On peut clairement faire mieux que ça. Beaucoup mieux. 

Beaucoup plus humain. Allez, on se lève et on le fait. Ensemble. 

Quelqu’une qui y croit encore, parfois…