Mon plus grand rêve dans la vie aurait été d’avoir une vie comme tout l’monde, normale : un travail, une famille, une maison, des vacances en camping l’été, le restaurant et le ciné le samedi, tout ce genre de tra-la-la. J’ai eu beau essayer, c’est pas tout à fait de même que ça s’est passé pour moi. Ma santé mentale fut un handicap majeur et permanent pour être en mesure d’assurer ma sécurité financière et être en mesure de fonctionné normalement en société. 

Très jeune enfant, je pensais que j’étais folle (ça aide pas pour l’estime de soi disons!) et je ne comprenais pas pourquoi personne autour de moi ne semblait le réaliser. Cela me soulageait, en quelque sorte, ça me permettait de passer inaperçu. Je me sentais comme un imposteur dans ce monde, j’avais l’impression de venir d’une autre planète et je voulais demeurer le plus « low profile » possible. Ce n’est que passé la trentaine, en thérapie après un épisode de violence conjugale, que j’ai réalisé que je n’étais pas folle pantoute. J’étais même brillante, mais j’avais plusieurs problématiques au niveau de ma santé mentale qui n’avait jamais été diagnostiquées et qui avaient eu un impact majeur sur ma capacité de fonctionner socialement et dans mes relations en générale : trouble d’adaptation, trouble de l’attachement, trouble de l’anxiété généralisé et j’en passe. 

Tous ces troubles de santé mentale sont reliés à des traumatismes que j’ai vécu dans ma vie et ce, dès mon plus jeune âge. Ils sont la conséquence de violences commises à mon égard. Je n’ai pas voulu cela, j’ai dû apprendre à vivre avec. Comme je n’ai pas reçu les diagnostiques et les soins adéquats à l’époque, je suis devenu en quelque sorte « mésadaptées » à la société. Je n’ai pas choisi ma pauvreté, elle m’est tombé dessus parce que je n’étais pas capable de faire autrement. 

Au-delà de tous ces problèmes de fonctionnement social, y’a une part de moi beaucoup plus fonctionnelle dans l’intimité. Dans un cadre ou je me sens sécure affectivement, j’excelle dans bien des domaines : j’ai des aptitudes artistiques évidente, je suis créative, organisée, vive et résiliente. J’ai bon cœur et je sais me comporter avec civisme et respect (denrée rare aujourd’hui?). Je sais aussi maintenant que je suis talentueuse et intelligente. 

J’ai mis au monde 5 enfants. Ils faisaient parti de mon rêve de « vie normale » et je les aime infiniment. Ces enfants, je leur ai consacré ma vie et une grande partie de ce temps, je fus seule parent responsable : monoparentale. Je les ai éduqués du mieux que j’ai pu, malgré mes failles. Ils sont polis, intelligents et talentueux eux aussi. Mes enfants ont mangé à chaque jour, avaient des biscuits chauds tout frais sorti du four à leur retour de l’école, vivaient dans une maison propre, avaient tous les vêtement nécessaires et bien entretenus, des cadeaux à chaque anniversaire, à chaque Noël aussi malgré une pauvreté persistante, malgré tous mes efforts pour m’en sortir. De prendre soin de mes enfants dans cette condition de pauvreté économique fut un job à temps plein pour être certaine qu’aucun d’eux ne manque de rien. 

Ma pauvreté, y’a plus de trente ans que je la côtois et qu’elle me colle à la peau. J’ai appris à la connaître, j’ai appris à y réfléchir et à ne plus en avoir honte. J’en ai souffert, j’en ai ragé, j’en ai pleurée mais jamais je ne m’y suis soumise. Elle est devenue une force parce qu’elle a su me révéler à moi-même… et je suis fière de qui j’y ai trouvée. Aujourd’hui, je sais que je ne suis pas cette pauvreté, je sais aussi qu’elle est une violence sociale injustifiée, violente sous bien des formes. Violence que je veux dénoncer, violence à laquelle je dis dorénavant NON. 

On croit à tort que la pauvreté est un problème de « pauvre » quand, dans les faits, c’est un problème de société. Elle est le révélateur cruel de notre manque d’humanité collective, de notre désengagement les uns à l’égard des autres et de notre soumission à une élite dirigeante qui n’en a rien à foutre du bien-être d’autrui. Au plus fort la poche comme disait ma mère! Mais tout ça, ça va devoir changer pis sa presse, urgence climatique oblige, y’a un virage vert à faire. Ça nous prend à tous les moyens d’acheter local, ça nous prend à tous les moyens des énergies propres. Ça nous prend à tous les moyens de contribuer à la société écologiquement. Ça nous prend à tous les moyens de survivre joualvert! 

Quand on pense que « le principe même de la dignité du citoyen en démocratie justifie la responsabilité de la société à son égard »¹. « Qu’ils nous en couteraient socialement la moitié moins chère de sortir tout l’monde de la pauvreté que d’assumer les conséquences de celle-ci »². « Que 1% de la population mondiale détient 84% de toute la richesse »³…  y’a de quoi qui marche pu là, pis y’é temps que ça change! La pauvreté, ce n’est pas un problème de pauvre, c’est un problème de mauvaise répartition de la richesse et d’abus de la part d’une infime minorité d’individus. Ce n’est pas en allant chercher encore un ti peu plus dans le porte feuille de la classe moyenne qui étouffe déjà, c’est plus haut qu’il nous faut viser parce qu’ensemble, nous avons TOUS droit à une meilleure répartition de la richesse. C’est une injustice et elle nous concerne tous! Y’é peut-être temps qu’on rêve à nouveau not’ monde pis qu’on le rêve beau. Un RSUG, ça te tente? Bonne journée pour l’élimination de la pauvreté, bon 17 octobre gang! 

– Une militante de ROSE du Nord

  1. Rapport Boucher 1963
  2. Conseil canadien du bien-être
  3. OXFAM